Logo du CNRS Logo de l'UMR CEAN Afrique et télécommunications


Le projet Africa'nti Problématique Résultats de recherche L'actualité du projet Les liens

Page d'accueilRechercher sur ce site
Nous envoyer un message

Le dossier Futur(e)s :
quand la high-tech réduit le fossé nord-sud

Pascal Renaud,
chercheur à l'Institut de recherche pour le développement et à l'Unitar

Un habitant de la planète sur deux n'a jamais téléphoné. Au Sénégal, on compte un accès Internet pour 2 200 personnes, un pour 5 700 au Cameroun, un pour 25 000 en Guinée et au Niger... En Afrique, la croissance de l'Internet butte sur le manque d'infrastructures : pénurie de lignes de téléphone, pannes d'électricité, routes en mauvais état. Le fossé numérique est béant. Il creuse la fracture économique. Mais...
Mais ne serait-ce pas précisément parce qu'Internet est une chance pour le Sud qu'il est urgent de réduire cette fracture ? Les 4 000 accès du Sénégal, les 2 500 du Cameroun sont autant de fenêtres ouvertes sur les plus grandes bibliothèques scientifiques et techniques du monde, autant de points d'accès à la presse internationale, aux rapports sur les droits de l'homme, autant de vecteurs accélérant la circulation des idées Même s'ils semblent ridiculement bas, ces chiffres restent plus élevés que le nombre de places dans les bibliothèques universitaires et les centres de documentation de ces pays. En 1999, à l'École polytechnique de Yaoundé, au Cameroun, le directeur de la recherche veut lancer une étude pour industrialiser un boîtier électronique capable de retransmettre localement la télévision par satellite. Les ingénieurs ont besoin de connaître les types de puces disponibles et leurs caractéristiques. Après quelques échanges d'e-mail avec des collègues du Nord, toute la documentation est rassemblée. Avant, il aura fallu envoyer deux spécialistes pendant quinze jours aux États-Unis...
Pour les étudiants sans bibliothèque, entassés dans des amphithéâtres surpeuplés, et n'ayant guère d'autre source de connaissance que le cours d'un unique enseignant, le Net est aussi la fin de l'esprit béni-oui-oui. Il devient possible d'effectuer des recherches personnelles, d'acquérir un savoir diversifié et critique.

Combler le fossé
Sur le terrain de la démocratie et des droits de l'homme, le bilan est aussi prometteur. Au Burkina Faso, la publication sur le web du rapport de Reporters sans frontière concernant l'assassinat du journaliste Norbet Zongo a marqué la vie politique et fait avancer la revendication démocratique.
Accès plus facile aux marchés industriels, amélioration de la formation, progrès de l'esprit démocratique, le Net peut répondre à des questions clés du développement. Le Nord doit en prendre conscience et aller au-delà des déclarations d'intention, qui se multiplient depuis l'été dernier. L'ONU puis le G8 ont annoncé leur volonté de " combler le fossé numérique", un groupe de travail baptisé DOT Force est chargé de " réfléchir " aux moyens... Un sommet mondial de la Société de l'information se prépare pour 2003.

Penser massif
Mais il ne suffit pas de dire " ce qui est bon pour l'Europe est bon pour le monde " et d'appliquer les recettes douteuses du e-commerce à la commercialisation de l'artisanat. "Il faut évaluer les potentialités, mobiliser les jeunes, les femmes, la société civile, les autorités politiques et morales, encourager les initiatives, trouver les montages financiers". Dans les années 50, la France était face à la question de l'appropriation du téléphone. Le gouvernement Mendes-France s'était alors engagé dans un ambitieux projet de généralisation du téléphone à l'ensemble du territoire : chaque village aurait sa cabine publique. L'accès collectif est sûrement la solution la mieux adaptée lorsqu'il s'agit de répartir des moyens limités. Et Internet s'y prête : les PC regroupés en grappe dans des cybercentres partagent les frais de connexité. Rappelons-nous, au début du xxe siècle, les bibliothèques municipales ont permis aux Français de découvrir massivement la lecture.

Le 1 % solidaire
Mais que faire si les budgets d'aide publique au développement continuent à chuter ? Au moment où Jacques Attali nous invite à relire Blaise Pascal, précurseur de l'informatique, je propose le pari de la solidarité. Le PNUD (Programme des Nations unies pour le développement) proposait de taxer les e-mail. Le vrai problème est posé, celui d'un financement à la hauteur du défi.
L'Union européenne n'hésite pas à taxer les bénéfices réalisés dans les villes industrielles du Nord pour aider le Sud ou l'Est du continent. En toute logique, les promoteurs de la mondialisation devraient assumer la redistribution mondiale des ressources au profit des zones défavorisées. Les NTIC sont, nous dit-on, à l'origine de 10 % à 20 % de la croissance actuelle. Pourquoi ne pas reverser 1 % ? Et donner, par exemple, un ordinateur au Sud pour cent vendus au Nord ? Et quel plaisir ce serait de contribuer à un développement solidaire en surfant sur le Net.

Publié in : Futur(e)s n°4, mars 2001.

revenir en haut de la page

Responsable du projet :
Annie Chéneau-Loquay
Directrice de recherche CNRS
CEAN (UMR CNRS-IEP)
Maison des Suds
12 Esplanade des Antilles
F- 33607 PESSAC CEDEX
a.cheneau-loquay@sciencespobordeaux.fr

Responsable du site web :
Raphaël Ntambue
CEAN (UMR CNRS-IEP)
Maison des Suds
12 Esplanade des Antilles
F- 33607 PESSAC CEDEX

tntambue@ulb.ac.be

copyright et autres informations légales.